Vingt-trois ans, c’est le temps qui fut nécessaire à Konami pour enfin proposer un jeu de cartes faisant bande à part avec le manga Yu-Gi-Oh! que l’on connaît tous plus ou moins grâce à l’animé. Une période qui a pu sembler très longue pour les amoureux du trading card game nippon, et pendant laquelle les sorties de titres tantôt misérables, tantôt perfectibles se sont enchaînées à une vitesse record. Mais il est là, enfin, Yu-Gi-Oh! Master Duel, expérience multiplateforme singulière parue dans la surprise la plus totale, sur laquelle repose de nombreuses attentes. Que vaut ce free-to-play dédié à la stratégie et aux cartes ? Et surtout, à quelle sauce Konami compte-t-il nous manger avec son système économique ?
Conditions de test : Nous avons joué une petite vingtaine d’heures sur Nintendo Switch et PlayStation 4. Ce fut suffisant pour faire un tour pratiquement exhaustif du contenu solo, affronter un paquet de joueurs en ligne, et surtout construire quelques decks.
Sommaire
ToggleUn détail qui fait toute la différence
Si vous n’êtes pas particulièrement familier avec le jeu de cartes de Konami, ou même le manga Yu-Gi-Oh!, alors vous vous demandez certainement pourquoi on fait tout un foin autour du fait que Master Duel se soit départi de toute tentative d’adaptation de l’œuvre originale. Eh bien la raison est simple : c’est la première fois que l’entreprise japonaise va dans ce sens, et c’est une très bonne chose. Pas que le manga soit mauvais, loin de là ! Mais il faut reconnaître que le jeu de cartes dont il est l’instigateur a énormément évolué, au point de devenir une entité à part entière. Les associer fait sens dans l’esprit collectif, mais les joueurs passionnés savent bien qu’il ne faut pas confondre les deux. Or ce fut le credo de Konami, jusqu’au récent Dawn of the Battle Royale.
Ce que cela change, dans les faits, c’est qu’il n’est plus question de nous bassiner avec des histoire mièvres et des personnages inintéressants. Dans Yu-Gi-Oh! Master Duel, vous n’incarnez personne, vous êtes simplement là pour mener de virulentes batailles de cartes. Un peu comme chez Magic, en somme, un jeu mythique dont semble s’inspirer Konami avec son free-to-play, misant sur le développement du lore introduit par les cartes, et rien d’autre. La partie solo est donc là pour nous expliquer le background de certaines familles de cartes, en allant jusqu’à explorer le fonctionnement d’effets ou d’enchaînements. En soit, on peut le voir comme un long tutoriel, qui nous montre pourquoi un type de deck est efficace, et comment le jouer, après nous avoir inculqué les rudiments du duel.
En cela, on peut trouver un intérêt assez limité à cette partie solo dans le cas où l’on est déjà pratiquant du jeu de cartes. Si ce n’est pour les récompenses plutôt intéressantes qui vont avec l’accomplissement d’un scénario. D’autant qu’il n’est pas possible de jouer sans connexion internet, ce qui est bien dommage pour les possesseurs de Switch, ou ceux qui choisiront la version mobile quand elle sera disponible. Malgré tout, il faut reconnaître que c’est une porte d’entrée plutôt efficace pour tout néophyte désireux de découvrir Yu-Gi-Oh! et d’y prendre du plaisir. Parce qu’il ne suffit évidemment pas de savoir jouer pour s’amuser face aux nombreux mordus de stratégie qui peuplent les serveurs. Il faut d’abord construire un deck de qualité !
Le deck building à son meilleur ?
Et à ce niveau, les amoureux du jeu de Konami ont de quoi faire, puisque Master Duel embarque pas moins de 10 000 cartes de toutes les extensions disponibles à ce jour. De quoi permettre des compositions quasi illimitées, à condition d’avoir du temps à perdre dans les menus qui demeurent malheureusement austères. C’est simple, on a l’impression de revoir peu ou prou la même chose depuis Tag Force sorti sur PlayStation Portable en 2007. Le développeur est malgré tout parvenu à améliorer un brin son système de deck building en facilitant la recherche de cartes en notre possession. La visualisation de familles entières. Ou bien en nous permettant d’acquérir une carte spécifique d’une manière plutôt bien pensée.
En effet, pas besoin de vous acharner sur la boutique pour acquérir l’objet de votre convoitise, ou pour transposer votre deck physique dans le jeu. Il vous suffit de « générer » les cartes qui vous manquent. Pour ce faire, il va vous falloir engranger des points parmi quatre familles distinctes. Chacune d’entre elles représentant un niveau de rareté différent. Il faut simplement « démonter » une carte pour obtenir un certain nombre de points, correspondant au tiers du prix à payer pour la générer dans le cas où il s’agit d’une édition simple. Car le jeu embarque aussi tout le système de brillance et autres artifices que l’on trouve dans les boosters actuels, et donc l’organigramme complexe de rareté qui va avec. Il est par ailleurs possible d’acquérir des points en terminant des objectifs, mais nous y reviendrons plus bas.
Pour résumer, les joueurs qui planchent sur Yu-Gi-Oh! depuis un moment connaissent déjà plus ou moins les menus de deck building de Master Duel. Ils ne risquent pas de se perdre, et seront les premiers à apprécier les quelques améliorations apportées par Konami. Mais un néophyte pourrait bien être rebuté par tant d’austérité, de complexité aussi. Et c’est bien dommage, car ce free-to-play est une bien belle manière de faire découvrir le jeu de cartes à pléthore de nouveaux venus. Il en a même très certainement la vocation profonde. Espérons que, sur le long terme, l’entreprise japonaise se décide à améliorer cet aspect du titre, ou que les joueurs sauront passer outre. Espérons aussi que les quelques problèmes de localisation dans la langue de Molière seront rapidement corrigés, car ils peuvent causer de sérieux troubles dans la compréhension d’une carte.
Quid du cœur du jeu ?
Et les duels, dans tout ça ? Une question légitime puisque l’on a pratiquement évoqué tout ce qui compose le jeu, à l’exception de son cœur ! Eh bien là encore les habitués ne seront pas dépaysés, puisque les affrontements prennent une forme très similaire à ce que l’on retrouve depuis Tag Force. À quelques améliorations près, principalement au niveau de l’ergonomie. Yu-Gi-Oh! Master Duel est très clairement le jeu de la licence qui propose les affrontements les plus agréables à jouer. Sur cette version console, Konami a judicieusement utilisé les différentes touches. Le terrain est quant à lui très clair, suffisamment aéré, plus que chez d’autres opus avant lui. On acquiert rapidement certains automatismes qui nous font aller plus vite, instinctivement, pendant les duels.
Mais ce que l’on remarque surtout, c’est l’efficacité des enchaînements, la rapidité avec laquelle se déroulent les duels, tout en restant lisibles et compréhensibles. Certes, lorsque l’adversaire utilise différents effets de cartes, il arrive souvent que l’on ne comprenne pas tout. C’est le propre de Yu-Gi-Oh!, qui permet des enchaînements longs et compliqués, pour des résultats parfois très impressionnants. Et s’il est possible de demander des explications à son partenaire lors d’une partie dans la vraie vie, il ne l’est pas dans un jeu vidéo, ce qui peut en perdre certains. Cela étant, on s’y fait bien, d’autant que les joueurs manquent un brin d’originalité pour le moment, utilisant trois ou quatre types de deck spécifiques, qu’il n’est pas bien compliqué d’assimiler après quelques défaites.
Mais ce qui marque sûrement le plus lorsqu’on lance pour la première fois Yu-Gi-Oh! Master Duel, c’est sa réalisation. Le menu principal est épuré, mais demeure assez élégant. Le terrain de jeu est plutôt joli et détaillé, sans pour autant nuire à la lisibilité. Ses quelques variations, à acheter dans la boutique contre de la monnaie virtuelle, ne déméritent pas non plus. On espère d’ailleurs qu’elles s’étofferont avec le temps. Les effets visuels sont très réussis et apportent un sentiment bienvenu de dynamisme, voire peuvent se révéler assez jouissifs dans le cas d’une victoire. Quant à la bande son, les musiques se comptent sur les doigts d’une main, mais ne manquent là encore pas de qualité. Au même titre que les bruitages, qui viennent appuyer les effets visuels, en somme.
Modèle économique et solidité sur le long terme
Mais bien sûr, nous savions à peu près à quoi nous attendre au niveau de la qualité globale de ce Yu-Gi-Oh! Master Duel, sur qui Konami semble placer beaucoup d’espoir après avoir raflé de très belles sommes grâce à Duel Links. Ce qui inquiétait le plus, la faute à son caractère free-to-play, c’était évidemment son modèle économique. Et à ce niveau, nous n’avons pas vraiment été déçus. D’abord parce que le titre nous gave pas mal de récompenses au cours des premières heures de jeu, au point qu’il est possible d’acheter tous les decks de structure proposés, et de forger les quelques cartes qui pourraient nous manquer pour parfaire notre composition. Tout ceci sans passer une seule fois à la caisse.
Pour la suite, le titre mise sur des récompenses régulières, apparaissant lorsque l’on génère ou démonte des cartes. Mais aussi, bien évidemment, à la fin de duels, qu’ils soient solo ou en ligne. Il est par ailleurs possible d’acheter un Duel Pass, à prix attractif (une fois encore en monnaie virtuelle), permettant d’acquérir toujours plus de points et de récompenses. Ce qui nous rassure, c’est qu’il ne nous a pas semblé nécessaire de passer à la caisse pour nous forger un deck compétitif. Mais surtout qu’il n’est pas possible d’acheter directement des points permettant de forger les cartes que l’on désire. Ainsi, à moins de vider son compte bancaire et de se passionner pour l’ouverture de boosters, mettre de l’argent dans le jeu n’apporte pour le moment qu’un avantage minime, voire dérisoire.
Quoi qu’il en soit, nous ne doutons pas de la longévité de Yu-Gi-Oh! Master Duel. Tout ce que nous avons pu apercevoir en terme de mécaniques et de contenu est assez solide. Jusqu’au système de rang en ligne très classique, mais toujours aussi efficace. Si Konami fait le choix judicieux d’apporter un réel suivi à son free-to-play, alors il pourrait bien commencer rapidement à faire de l’ombre à certains Legends of Runeterra ou Heartstone, pour ne citer qu’eux.
Cet article peut contenir des liens affiliés