Tomb Raider : La légende de Lara Croft – Notre avis mitigé sur la série animée signée Netflix
Publié le :
2 commentaires
Rédigé par Florian
Sur le devant de la scène depuis près de 30 ans, Lara Croft est sans conteste l’une des héroïnes de jeu vidéo les plus populaires de par le monde. Avec plus de 100 millions de copies vendues et une douzaine de jeux canoniques déjà sortis à date sans compter les comics, spin-off sur mobiles ou encore productions hollywoodiennes, la saga ne manquait que d’une corde à son arc : une adaptation en série. Alors qu’une série en live-action est actuellement en développement chez Amazon, une série animée vient de voir le jour chez son concurrent Netflix sous le nom Tomb Raider : La Légende de Lara Croft. Une série censée unifier la trilogie reboot et les premiers jeux de notre britannique tout feu tout flamme, série qui souffle justement un peu le chaud et le froid.
Commençons par passer un sujet qui divisera à coup sûr les amateurs et amatrices de ce genre de productions ou encore celles et ceux fans de la licence qui ne seraient taris que de 30h de contenus. Composée de seulement 8 épisodes d’une durée allant de 23 minutes à 35 minutes, la nouvelle série Netflix se regardera en une grosse soirée, tout au plus. Ceci est peu, bien que suffisant pour ne pas tomber dans le trop long et plutôt similaire à d’autres productions récentes comme Castlevania Nocturne, mais trop peu à l’idée de ce que l’on pouvait se faire d’une production au lourd tribut : celui d’unifier les différentes timelines instaurées par Core Design puis par Crystal Dynamics.
Disclaimer: cet édito ne représente que l’avis du rédacteur à l’origine de cet article, qui contient des spoilers narratifs. Nous vous conseillons d’avoir fini de visionner la série avant de lire la suite de cette critique.
Sommaire
ToggleUn héritage trop lourd à porter ?
Pour mieux comprendre comment considérer cette nouvelle vision des aventures de Lara, revenons aux origines de ce projet. Crystal Dynamics (également à l’œuvre sur Perfect Dark et en soutien sur Fable de Playground Games), désormais détenteur des droits d’exploitation de la licence Tomb Raider après sa vente par Square Enix au profit de Embracer Group en 2022, multiplie les partenariats, apparitions diverses (chez Fortnite ou encore Dead by Daylight pour ne citer qu’eux) et lance plusieurs chantiers : celui d’un nouveau jeu AAA développé sous Unreal Engine 5 en collaboration éditoriale avec Amazon Games, une série en live-action toujours chez Amazon et encore en phase précoce de production, un jeu mobile Tomb Raider: Reloaded qui peine à trouver son public, des remasterisations des six premiers jeux de la licence commandés à Aspyr, mais aussi la production d’une nouvelle série dans le style japonais typique des anime, cette fois chez Netflix.
C’est en janvier 2021 que Legendary Entertainment (via sa filiale Legendary Television) annonce produire une adaptation télévisée et animée de la franchise Tomb Raider. Il est confirmé par la suite que la série s’inspirera des séries d’animations japonaises avec Tasha Huo en showrunner et le studio Powerhouse Animation Studios à la baguette. Une sacré remontada pour une licence qui s’essoufflait un peu, enfermée dans son carcan de licence AAA tellement influente que Square Enix semblait ne pas vouloir trop l’utiliser pour ne pas l’user, à moins qu’ils n’y croyaient pas assez ? Mais attention à ne pas trop tirer sur la corde qui maintient Tomb Raider au bord du précipice en voulant trop la surexploiter. C’est sûrement ce que diront certains ou certaines en visionnant Tomb Raider : La Légende de Lara Croft sur Netflix. Était-ce vraiment indispensable ? Était-ce seulement souhaitable ? Et le résultat est-il suffisamment à la hauteur du matériau initial et de ce que les joueurs, joueuses et fans de la pilleuse de tombes s’en font après près de trois décennies dans nos salons ?
Côté scénario, Lara se fera dérober une Pierre précieuse durant un événement caritatif. S’interrogeant sur les raisons de ce vol, la jeune femme va découvrir la légende des Pierres du Péril, que Roth et son propre père avaient abordée il y a longtemps. Une légende qui confèrerait à celui ou celle qui réunirait les quatre pierres des pouvoirs infinis. On vous le met dans le mille : l’apocalypse est à nos portes et seule une personne téméraire pourra nous sauver, Lara Croft.
Nous l’avons dit, la série Tomb Raider : La Légende de Lara Croft est censée unifier les différentes timelines maintes fois rebootées de notre archéologue britannique, en tentant de sauver les meubles de partis pris réalisés au fil des années. Sur ce point précis, il faut avouer que les créateurs de la série sont parvenus à maintenir le navire à flot. Le caractère aventureux de notre héroïne est bien mis en avant, le style Indiana Jones du bout du monde renforce le sentiment d’une Lara qui évolue vers celle iconique de la fin des années 90. Mais il faut également souligner que cette nouvelle Lara, aussi jeune soit-elle, peine encore à se défaire de son côté franchement agaçant propre aux jeux du reboot de 2013, inutilement têtue, sauvage et parfois même énervante d’immaturité à la limite de la niaiserie. Là où la Lara des premiers opus prenait des risques fous, certes, mais maitrisés à tout instant, cette Lara perpétue en croire à son destin, sa bonne étoile, quitte à laisser des amis sur le carreau, une fois de plus, malgré les fantômes de la mort de Roth dans le reboot de 2013 encore très présents.
La folie des grandeurs ?
Ce qui est dommage, car c’était l’occasion de donner un peu de bouteille à une héroïne clairement en quête d’identité, sur de nombreux points, de lui donner un peu de maturité, mais surtout de respecter tout simplement ce que Crystal Dynamics avait tenté de faire grâce à la trilogie reboot en s’épargnant quelques errances ou plutôt incohérences. Prenons pour exemple le fait que Lara refuse corps et âme de s’installer dans le manoir désormais abandonné de feu son père Richard Croft, suite à la mort de Roth, alors que même Lara s’y installait avec plaisir et délectation, accompagnée du bon vieux majordome Winston à la toute fin de Shadow of the Tomb Raider, dernier opus canonique en date. A tel point que l’on pourrait croire au début que la série se déroule seulement trois ans après les événements survenus au Yamataï dans l’opus de 2013 en faisant fi des développements des deux jeux suivants (bien que Roth apparaissait dans les cauchemars de Lara dans le DLC de Rise of the Tomb Raider).
Puisque de toute manière, dans environ tous les épisodes de la saison, Lara est prise de violents remorts suite à la disparition tragique de l’ami de son père, Conrad Roth, des événements dépeints dans le jeu de 2013 et re-illustrés ici dans des scènes flashbacks. Une disparition qui aura donc de (trop) lourdes conséquences sur le développement psychique de Lara, qui n’aura jamais autant abordé ses sentiments que dans la série anime.
Les similitudes avec les événements dépeints dans la trilogie reboot ne s’arrêtant pas ici puisque Lara s’enfermera dans l’éternel schéma critiqué de la dernière trilogie de jeux qui ont peiné à redonner une vraie identité à son héroïne. Un schéma dans lequel Lara met involontairement ses proches en danger (des proches qui la suivraient jusqu’au bout du monde pour aucune reconnaissance disons-le), avant une prise de conscience de notre héroïne qui, de toute manière, n’avait décidé de recevoir de l’aide de personne pour s’en sortir et se battre contre une société secrète (comme la Trinité dans les jeux).
Nous grossissons volontairement le trait car la série exacerbe, à ses dépens, certains des travers les plus décriés des derniers jeux, notamment en édulcorant une Lara que l’on connaissait dure, froide, mais juste et forte. Non pas qu’il ne fallait pas donner une once d’humanité, de sentiments ou d’ouverture à cette Lara qui ne correspondait plus à l’époque actuelle, mais il nous faut avouer que nous aurions aimé davantage vivre une prise de conscience de notre héroïne sur tout plein de sujets. A la place, la série se contente se poursuivre à son petit rythme le développement d’un personnage désormais tellement complexe et rebooté, que le show peine à faire avancer par rapport au dernier jeu. Et ce alors que cette adaptation est pourtant prévue pour agencer la timeline unifiée promise par Crystal Dynamics.
Pas que des choses à jeter
Vous le constatez depuis le début de cette critique, nous sommes plutôt acerbes en ce qui concerne le retour de l’héroïne de toute une génération sur nos écrans. Mais fort heureusement, tout n’est pas à jeter dans cette mouture de Tomb Raider: La Légende de Lara Croft, bien au contraire. Nous pouvons par exemple vous confirmer que l’on retrouve bien là le caractère aventurier d’une vraie aventure signée Lara Croft, avec une multitude de tombeaux, de mystères et légendes aux quatre coins du globe. Mais aussi et surtout avec le grand retour de la fresque fantastique et presque surnaturelle bien connue de la plupart des jeux de la licence, au grand dam du film reboot de 2018 qui fermait toute porte à une quelconque once fantastique dans l’univers de l’héroïne alors jouée par Alicia Vikander.
Puisque l’on aborde les incarnations de la pilleuse de tombes la plus téméraire du continent européen, il nous faut saluer les prestations des personnages principaux de la série à commencer par Hayley Atwell qui incarne notre Lara Croft, mais aussi de Earl Baylon qui reprend le rôle de Jonah qu’il a occupé dans les derniers jeux. Allen Maldonado donnera ses traits au fameux Zip, aperçu dans le cinquième opus Sur les traces de Lara Croft mais aussi dans la trilogie Legend – Anniversary – Underworld et qui fait son retour ici en guise d’uniformisation des PNJ de la licence, sans oublier Abby, la copine de Jonah qui fait son retour ici ou encore Sam qui… enfin Sam quoi.
De nouveaux personnages font également leur arrivée dans cette nouvelle aventure de Lara, comme Léo, un copain de Jonah, mais aussi le méchant Charles Devereaux, à mi-chemin entre un père spirituel et un adversaire redoutable (que voulez-vous, il fallait forcément une figure paternaliste pour notre héroïne), brillamment incarné par Richard Armitage, ou encore Camilla Roth (doublée ici par Zoe Boyle). Cette dernière dont le nom ne vous aura pas échappé puisqu’il s’agit de la fille de Conrad Roth, oui l’homme mort sur l’île de Yamataï et dont la mort affecte Lara durant toute la saison.
Un personnage bienvenu cependant, puisqu’il offrira quelques scènes marquantes – à plus d’un titre – pour notre héroïne et la licence au sens large. Des scènes lourdes de sens et qui abordent sans équivoque l’une des facettes jusqu’alors inexploitée de notre héroïne (et vous saurez de quel point il s’agit). Les créateurs de la série et Crystal Dynamics jouent sûrement gros ici, en apportant un éclairage jusqu’alors volontairement opaque sur une situation personnelle de notre héroïne qui perd de plus en plus son statut de sex-symbol (ce qui n’est pas pour nous déplaire) et qui ne manquera pas de faire parler la communauté, ce qui pourrait avoir de grandes conséquences sur la suite, nous pesons nos mots.
Un casting solide donc, mais qui malheureusement s’en sort moins bien en version française, assez inégale, notamment en ce qui concerne la prestation de France Renard, bien que très qualitative, ne nous a pas semblé parfaitement coller à ce que nous imaginions de l’évolution de Lara. Celle-ci aura donc changé trois fois de voix depuis 2013 entre Alice David et Anna Sigalevitch dans la trilogie reboot et dans le film avec Alicia Vikander, et donc France Renard dans ce qui nous intéresse ici. Il est grand temps que les équipes française de la licence trouvent une voix qui colle à Lara une bonne fois pour toute, bien qu’aucune ne parviendra sûrement à faire oublier les légendaires répliques de Françoise Cadol pendant près de deux décennies. En espérant que Camilla Luddington ait rempilé pour le prochain jeu pour incarner Lara en VO, mais cela est une autre histoire.
Une production qui souffle le chaud et le froid
Nous l’avons dit, Tomb Raider : La Légende de Lara Croft renoue avec la présence de nombreuses tombes, mais aussi de mystères de par le monde. Et que cela fait du bien à voir ! Les équipes de Legendary Television parviennent à nous embarquer dans une aventure pouvant étonnamment nous faire penser à une bonne enquête à la Scooby-Doo dans la structure, tout en parvenant à briser la monotonie spatio-temporelle en changeant de lieu et de moment dans chaque épisode de la saison. Et pour ainsi dire, bien que le scénario ne soit pas des plus originaux, on aurait bien aimé le jouer réellement, tant certaines séquences nous ont parues coller parfaitement à l’univers. Mention spéciale aux derniers épisodes où la tension est totale jusqu’à un affrontement final (réellement final) des plus jouissifs mais déroutants tant il est vite expédié et pas très bien amené (les fans du premier Tomb Raider comprendront pourquoi) jusqu’à ce qu’elle se saisisse (pour la troisième fois en moins de 10 ans) de son double-pistolet comme si c’était la première fois.
Et malheureusement, le terme expéditif pourrait être utilisé à de nombreuses reprises ici. Il est vrai que l’on aurait aimé voir les showrunners prendre leur temps pour raconter cette nouvelle épopée de Lara Croft censée unifier la dernière trilogie et les jeux de l’ère Core Design, notamment en évitant les raccourcis scénaristiques et les ficelles narratives un peu trop téléphonés par moments. Des coupes probablement liées au cahier des charges à tenir en terme de durée d’épisode ou de la série au global, mais on aurait du coup préféré moins de scènes de « bla-bla » et plus de scènes liées à l’histoire même des Pierres du Péril et des pérégrinations de nos héros. « Nos » héros puisque ceux-ci n’ont jamais été aussi présents, notamment Jonah et Zip qui complètent un trio maladroit et loin de la Lara solitaire que l’on connait tant.
Pour terminer, abordons l’aspect technique de cette nouvelle itération de l’histoire de Lara, qui ne se veut pas être un simple spin-off mais un opus à part entière de l’Histoire de la britannique. Dans l’ensemble, tout est réussi, les panoramas luxuriants, les éclairages subtils et les cliffhangers bien sentis pour nous pousser à regarder instantanément la suite. Mais l’absence de vrai générique (juste une mise à jour du logo selon les événements), une animation que nous avons trouvée en dent de scie, certains modèles de personnages imparfaits, le tout dans une ambiance presque old-school, font que tout cela a tendance à mal sonner. Mais il faut avouer que cela fait le café, sans se hisser au sommet des productions actuelles, voire d’assez loin.
Vous l’aurez perçu, nous sommes finalement assez mitigés par cette adaptation qui n’apporte pas tant que cela à cette timeline unifiée promise par Crystal Dynamics, qui prennent bien leur temps pour préparer le retour de l’héroïne iconique des années 2000. Un poids trop lourd à porter pour un héritage qui se cherche encore à l’aube du treizième jeu canonique de la licence ?
Cet article peut contenir des liens affiliés