Xbox veut devenir leader du marché en 2030, Bethesda traité différemment d’Activision… Les mails de Microsoft révélés
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Rédigé par Jordan
L’audience préliminaire entre la FTC américaine et Microsoft reprend aujourd’hui dans le cadre du rachat d’Activision-Blizzard, que l’organisme tente de stopper. Ce début de procès a permis de mettre en lumière bon nombre de choses, mais cette nuit, des tonnes de documents et de mails échangés en interne chez Microsoft ont été révélés au grand public. Dans ces mails, on y apprend notamment l’envie du constructeur de racheter Sega et d’autres studios, mais pas uniquement. Voici donc tout ce que l’on a appris dans ces mails, relayés entre autre par The Verge, en synthétisant et en ne retenant que l’essentiel.
Sommaire
ToggleObjectif : leader du marché en 2030 avec de grosses acquisitions
Ces mails permettent de mettre en lumière la stratégie de Microsoft pour tirer son épingle du jeu dans ce marché très compliqué qu’est le jeu vidéo, avec tout d’abord un document datant de juin 2022 qui fait état des prévisions de revenus générés par la branche Xbox d’ici 2030. Satya Nadella, PDG de Microsoft, espère ainsi que d’ici cette date, Xbox soit le leader du marché, ce qui nécessiterait de doubler les revenus actuels de l’entreprise pour y arriver, soit dépasser les 30 milliards de dollars de recettes.
Un objectif ambitieux, qui va de pair avec la stratégie de rachats agressive de Microsoft, qui cherche à se renforcer. Mais le rachat d’Activision-Blizzard seul ne suffirait pas pour cet objectif, ce qui veut dire que Microsoft chercherait à racheter d’autres acteurs pour parvenir à ce résultat. Ces documents montrent également qu’en 2022, Xbox aurait généré plus d’argent que Nintendo, ce qui est sans doute pris en compte par la FTC dans son argumentaire.
Evincer Sony pour renforcer Xbox
Le mail qui fera probablement le plus parler et qui fera les gros titres de la presse, c’est celui de Matt Booty (directeur des Xbox Game Studios), envoyé à Tim Stuart (CFO de Xbox) en 2019. Il est très important puisqu’il montre une facette de Xbox qui est plus compétitive envers son concurrent principal, en recherchant davantage le monopole.
Ah…
Xbox's Matt Booty in 2019: "we (Microsoft) are in a very unique position to be able to go spend Sony out of business"
Said it might seem worth it 10 years hence to have lost $2-3B to stop Sony, others from becoming Disney of games
MS/Booty now say that was old strategy https://t.co/eobfXOUrvX pic.twitter.com/b1eAZjcFZ3
— Stephen Totilo (@stephentotilo) June 26, 2023
On y lit Matt Booty parler de la concurrence sur le marché des abonnements, en affirmant que seul Sony peut actuellement rivaliser avec le Xbox Game Pass, et qu’il faut donc surpasser l’entreprise japonaise :
« Nous (Microsoft) sommes dans une position vraiment unique où l’on est capable de pousser Sony en dehors de ce marché. Si nous pensons que le contenu lié au jeu vidéo sera toujours important dans 10 ans, nous pourrons très bien regarder en arrière en nous dire « Cela aurait totalement valu le coup de perdre 2 ou 3 milliards de dollars en 2020 pour éviter une situation où Tencent, Google, Amazon ou même Sony sont devenus le Disney des jeux, et possèdent les meilleurs contenus » […] Sony est le seul vrai concurrent qui peut rivaliser avec le Game Pass et nous avons deux ans et 10 millions d’abonnements d’avance. »
Rien d’étonnant à voir un acteur d’une industrie vouloir écarter son concurrent principal après tout, mais si ce mail est mis en avant, c’est parce qu’il nous présente un Xbox qui recherche davantage une hégémonie sur le marché plutôt qu’un équilibre. Soit, une posture différente de celle présentée aux organismes de régulation. C’est pour cela que Microsoft a tenu à vite réagir à la publication de ce mail, en estimant que cela provient d’une stratégie vieille de plusieurs années qui est antérieure au rachat, et qui n’est donc plus d’actualité.
Le cloud au profit de la Xbox Series
Dans tout cela, on apprend que la Xbox Series n’est clairement pas le cheval de bataille de Xbox qui a préféré misé sur le cloud, du moins il y a quelques années. Un mail échangé entre Phil Spencer et Tim Stuart, qui date de fin 2020, dévoile l’une des raisons derrière le faible stock de consoles à cette époque.
Si Microsoft a souhaité améliorer le rendement de production de sa console, il a aussi voulu investir plus d’argent sur xCloud, un service qui a aussi pour but de renforcer l’expérience sur consoles :
« Je pense que nos investissements dans le contenu et xCloud sont essentiels pour réaliser notre objectif. Amazon Luna et Google Stadia n’ont pas la force d’avoir une console que nous avons, ce qui nous donne l’engagement des développeurs, une communauté de jeu et un catalogue de contenu […] D’un point de vue stratégique, je crois en nos compromis pour le cloud et le contenu gaming par rapport au volume de ventes de la console. Avec notre stratégie et nos opportunités, le volume de vente de consoles sera toujours la chose qui nous limitera pour développer notre ambition à long terme »
Depuis 2020, on imagine que tout cela a pu changer puisque Google Stadia s’est soldé par un échec critique, et Microsoft réalise de bonnes ventes pour sa console.
Spencer pense tout de même que ce marché est très important puisque c’est pour cela que xCloud a largement évolué en trois ans, rendant l’expérience utilisateur plus agréable. Le patron de Xbox explique justement dans un autre mail datant de 2019 que l’état de xCloud n’était pas convaincant à cette époque, car il répondait uniquement aux besoins de Xbox, et pas des joueurs :
« Notre solution ici n’est pas guidée par le consommateur, mais par ce que nous avons et ce que nous espérons. Je n’aime pas ça mais je ne suis pas assez intelligent pour faire différemment pour le moment. Si je demande aux joueurs mobiles ce qu’ils veulent, ils ne me répondront pas qu’ils veulent jouer à Halo sur leur téléphone avec une manette Xbox en bluetooth […] Tout cela est pensé pour Xbox, pas pour les clients et oui ce n’est pas bien. »
Autre mail de Spencer : xCloud ne le convainc pas.
La solution est pensé à partir des contraintes Xbox et non pour le joueur.
Personne ne souhaite jouer à Halo sur Mobile avec une manette Bluetooth.Mais il ne se trompe pas sur les early adopters : les joueurs console
[12/15] pic.twitter.com/Ui1R1KDixt
— Fab ✨ (@Fab_XS_) June 27, 2023
Le Game Pass partout, même sur PlayStation ?
Lorsque Phil Spencer répète à l’envie qu’il souhaite que le Xbox Game Pass soit disponible via de plus en plus de plateforme, ce n’est pas qu’un discours de façade. Dans une discussion avec Tim Stuart à propos de Fallout 76 sur le PS Now, les deux compères évoquent leur envie de voir l’intégralité du catalogue arriver sur PS4 et PS5, pas juste des titres sélectionnés un à un :
« Si nous mettons des titres sur le PS Now, d’accord, alors allons-y avec l’ensemble de nos titres en échange de mettre le Game Pass ou le xCloud via navigateur sur PS4/5. »
Bethesda et Activision, pas le même combat ?
Un autre mail interpelle également, bien plus récent puisqu’il date de 2022, dans lequel Pete Hines (à la tête de l’édition chez Bethesda) s’étonne du fait que les jeux Bethesda se voient être contraints au marché de la Xbox, tandis que les jeux Activision resteraient multiplateformes.
Hines met en avant un post de blog sur lequel Microsoft rassure quant à la non-exclusivité de jeux Activision-Blizzard, afin de montrer qu’il ne semble pas être ravi du traitement différent des jeux Bethesda, ou du moins qu’il aurait aimé être mis au courant plus tôt :
« Je suis confus. Ce qui est marqué [dans le blog de post] n’est-il pas l’opposé de ce qui nous a été demandé de faire pour nos propres titres ? Quelle est la différence ? […] Quelqu’un a-t-il pensé à nous tenir au courant de cela ? Todd [Howard] va chez DICE dans deux semaines, vous ne pensez pas qu’un journaliste va le trouver et lui demander pourquoi c’est ok pour Call of Duty ou n’importe quel jeu Activision-Blizzard, mais pas pour The Elder Scrolls VI ou Starfield ? »
Un ton somme toute agacé, qui tranche avec l’habituelle retenue que l’on peut voir dans certains des autres mails, notamment ceux de Phil Spencer. Ce qui peut se comprendre, étant donné que l’on sait désormais que le rachat de ZeniMax a évincé les versions PlayStation 5 de Redfall, Starfield et Indiana Jones, sans qu’Activision ne soit obligé de faire pareil avec ses jeux. Hines avait déjà admis qu’il comprenait la déception des joueurs PlayStation face à cette situation, à l’occasion d’une interview autour de Starfield en 2021.
Indiana Jones, le projet de rêve de Todd Howard
Mais chez Bethesda, il n’y a pas que de la frustration puisque le jeu Indiana Jones est un projet mené de longue date par Todd Howard, qui a toujours rêvé de faire un tel jeu. On découvre aujourd’hui un document interne présenté en amont de l’annonce, qui vante les mérites du titre :
« Pour rappel, Project Relic est un jeu Indiana Jones (non-relié aux films) développé par MachineGames et le producteur exécutif Todd Howard, qui cherche à faire ce jeu depuis une décennie. Si vous ne le saviez pas, Todd est peut-être le plus gros fan d’Indiana Jones sur la planète. Je n’exagère même pas un petit peu. Chaque personne ayant vu le pitch du jeu a directement dit « oh mon dieu, je dois jouer à ce jeu maintenant ». Il va être incroyable et je pense que les réactions lors de l’annonce seront géniales »
La confiance semble être présente chez Bethesda pour ce projet, mais lors de l’annonce, le jeu est encore prévu sur PS5. Ce qui ne rassure pas beaucoup Phil Spencer, qui a peur de la réaction des fans de Xbox, étant donné que Deathloop et Ghostwire Tokyo sont eux aussi sur PS5.
Phil Spencer se prépare à l'annonce de Indiana Jones et a un peu peur de la mauvaise nouvelle pour les fans de Xbox.
Le jeu est prévu comme multiplateforme à ce moment, et deux jeux Bethesda sont déjà des exclus temporaire PS5.
Il reste positif sur l'annonce de ce gros titre. pic.twitter.com/EkWQzSEMx3— Cassim Montilla (@NotCassim) June 26, 2023
Plus d’acquisitions dans le viseur
Ces documents ont déjà montré que Sega et d’autres éditeurs et studios faisaient partie des cibles prioritaires pour Microsoft pour de futures acquisitions, mais ils nous dévoilent aussi comme Microsoft raisonne pour choisir ces candidats potentiels. On y voit une liste de studios bien plus grande au départ, avec des noms qui attirent l’œil comme Larian Studio, Focus Entertainment, People Can Fly et bien d’autres.
Chaque studio ou éditeur est scruté avec attention en prenant en compte son apport potentiel au Xbox Game Pass et ce qu’il peut apporter à l’image Xbox. Tout cela permet ensuite de réduire la liste à celle que l’on a vu hier, comprenant Sega, et même Warner Bros. Des éclairages très intéressants et qui nous en apprennent plus sur le fonctionnement d’un gros constructeur comme Microsoft. L’audience reprend aujourd’hui, ce qui veut dire que l’on n’est pas au bout de nos surprises.
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